La thermographie infrarouge
Principes de base de la thermographie infrarouge
Dans un premier temps, il importe de bien comprendre ce que la thermographie infrarouge appliquée à la toiture peut vous permettre et ses limitations générales. La thermographie infrarouge est une technique non-destructive qui permet de transformer le rayonnement infrarouge en images visibles. Le principe par lequel cette technique s’applique à la détection d’humidité dans les composantes d’un système d’étanchéité de toiture conventionnelle réside dans le pouvoir calorifique de l’eau qui est beaucoup plus grand que les matériaux secs. Ainsi, le jour, les composantes humides absorbent une plus grande quantité d’énergie que les matériaux secs et, après le coucher du soleil, les surfaces sèches se déchargent rapidement de l’énergie absorbée durant la journée, alors que les surfaces humides afficheront une température plus élevée qui sera décelée par la caméra infrarouge et visionnée sur l’écran cathodique.
Limitations
La thermographie infrarouge permet de déceler la présence d’humidité dans les composantes d’une toiture dans la mesure où certaines conditions sont respectées. Parmi celles-ci, nous avons:
• une toiture de type conventionnelle isolée avec des matériaux absorbants;
• l’absence de neige, de glace, d’eau ou d’humidité à la surface de la membrane;
• l’eau et/ou l’humidité doit être présente dans les composantes du complexe d’étanchéité depuis plus de huit (8) mois, avoir été humecté par la pluie ou autre depuis au minimum 48 heures à un maximum de 15 jours;
• la présence d’un pare-vapeur favorise la rétention d’eau et/ou d’humidité dans les composantes et, à l’opposé, l’absence d’un pare-vapeur favorise le “drainage” de l’eau infiltrée et l’assèchement des composantes installées directement sur un pontage d’acier, de bois ou autres;
• à l’exception d’une toiture neuve (garantie), les surfaces “suspectes” décelées par thermographie doivent être validées par des coupes de vérification;
• la présence d’humidité ne peut être décelée dans les composantes adjacentes au pare-vapeur ou au pontage lorsque les composantes supérieures sont sèches.
Influences externes
Dans un deuxième temps, il importe de savoir que plusieurs éléments et événements peuvent influencer l’interprétation des images infrarouges obtenues et c’est pourquoi chacune de ces images se doit d’être validée à l’aide d’appareils de détections d’humidité (hygromètre ou détection électronique de fuites) et par coupes de validation ou vérification. Parmi quelques-uns de ces éléments influenceurs, autres que ceux identifiés plus haut, on retrouve;
• la période d’ensoleillement des surfaces de jour et coucher du soleil le soir, • les taux d’humidité de jour et début de soirée définissant le point de rosée,
• la vitesse et direction des vents et les pressions atmosphériques,
• les types de matériaux sous les membranes, absorbants ou non,
• la réflectivité des membranes de surface et surfaces adjacentes, tels que mur de maçonnerie, métallique, etc.,
• l’émissivité des matériaux en présence, aux opposés on pense au métal et fibre de bois, L’un des éléments le plus souvent négligé est le type d’isolant et ses propriétés, comme il y a plusieurs particularités à valider à chaque intervention, il est important d’en connaître la nature et ses impacts. Les isolants sont catégorisés selon leurs propriétés soit; leur densité, leur niveau d’absorption, leurs cellules ouvertes ou fermées, ainsi on retrouve des isolants de type polystyrène expansé ou extrudé, des polyisocyanurates, des isolants phénoliques, etc.
C’est sur ce dernier type que notre attention, à titre de membre d’ordre professionnel, s’attardera le plus ! Pourquoi !?
Parce que l’isolant de type phénolique, ancêtre de l’isolant polyisocyanurate, bien que très performant au niveau énergétique par pouce d’épaisseur, possède une particularité très problématique au niveau des toitures. Le phénol en soit devient un oxydant très agressif lorsque mis en présence d’humidité, aussi minime soit-elle, occasionnant à coup sûr une dégradation prématurée de toute présence de métal (ancrage ou autre), voire même un affaiblissement du pontage d’acier. À ce titre, comme le mandat premier d’un membre d’ordre professionnel se veut « LA PROTECTION DU PUBLIC », il devient impératif d’aviser de cette situation dans les meilleurs délais sous forme de rapport de remplacement des éléments affectés toute personnes tant dans les secteurs manufacturiers, commerciaux et plus particulièrement au secteur institutionnel. Pour cette raison majeure, le moindre signe de présence d’humidité dans ce type de matériel devient une priorité des plus éloquente afin de s’assurer de la sécurité des occupants et travailleurs.
Survol des mois 2020
Les analyses thermographiques de ce début d’année ayant débuté plus tard à cause de l’impossibilité de pouvoir travailler normalement, puisque ces travaux ne faisaient pas partie des services essentiels permis, le tout annexé à des températures anormalement chaudes de mai à aujourd’hui avec peu de période de pluie ont sans contredit affecter certains résultats.
À cet effet, et selon certaines conditions de toiture comme par exemple; une toiture de type multicouche asphalte et gravier très âgée pouvant avoir été confectionnée avec du braie de houille (Pitch) ayant la propriété physique de se dilater au point où des fissures apparaissant en période froide (hiver) se referment avec des températures élevées tel que connues en ce début d’année. De sorte que, si une analyse d’une thermographie infrarouge a été effectuée sur ce type de toiture en mai ou juin avec présence d’humidité, il peut paraître normal que 2 ou 3 mois plus tard, aucune présence d’humidité n’est alors visible.
Comme une longue période de chaleur intense sans précipitations des mois de mai, juin, juillet, les effets d’îlots de chaleur des systèmes de toiture ont permis à certains types d’éléments de pouvoir s’assécher en soi. Cependant, les propriétés physiques des matériaux ayant été observés humides en sont affectées et ne se restaureront plus, alors dès que les périodes de pluie et d’humidité de l’automne reviendront, ces mêmes secteurs redeviendront humides si aucun travail de remplacement de matériaux affectés n’a été effectué.
En conclusion
Il est primordial de s’assurer de la période à laquelle l’analyse thermographique est effectuée, puisque si cette dernière est effectuée à la suite d’une période de pluie au lieu d’une période de chaleur, les informations ainsi recueillies lors de la prise de données s’y trouvent inversement proportionnelles, c’est-à-dire que, la présence d’humidité peut être plus ou moins importante de même que les zones identifiées en réalité. Tous les éléments environnants climatiques ou physiques se doivent d’être pris en compte, d’où l’importance de faire affaire avec une entreprise établie ayant les compétences et formations adéquates du sujet (certifications). Il en va de même sur la nature même des éléments ou matériaux en présence en plus du facteur de sécurité imputable à chacun des secteurs analysés (entrepôt vs bureaux ou autres avec présence humaine).
En considérant toutes les données précitées et l’expertise en analyse de détections diverses acquises depuis plus de 25 ans et d’une présence dans le milieu de la construction depuis plus de 30 ans, il importe même à ce niveau de toujours faire une contre vérification des données recueillies par instrumentation, quel qu’elle soit.
De plus, notre implication au niveau pancanadien au sein du IIBEC (International Institute of Building Enclosure Consultants) en collaboration avec le CNRC (Conseil National de Recherche du Canada) est actuellement à mettre en projet d’étude l’implication précitée dans ce communiqué afin d’en faire sortir un consensus d’ordre général impliquant des modifications aux normes d’applications des analyses thermographiques en vigueur en lien avec les changements climatiques applicables à l’enveloppe du bâtiment en Amérique du Nord.